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Cancer 2015-2016

Nous sommes le 25 novembre 2015. Pour la 4ème fois, je dois me faire opérer d’une plaque blanche qui se développe à droite de ma langue. Je suis donc au Samaritain, artificiellement endormi. Au réveil, curieuse sensation.

Pierre Aguet

Je ne sens rien de l’intervention chirurgicale. Il faut dire que de nos jours, les produits sont d’une grande efficacité pour épargner les douleurs. En fait, le chirurgien vient m’informer qu’hélas, il n’a rien fait. Pourquoi? Il a découvert, à la base de ma langue un gros cancer. Il a déjà pris contact avec le CHUV où des professeurs, spécialistes, auront à décider de l’intervention. J’y suis conduit le 2 décembre. Les profs que je ne rencontre pas, suivent sur écran la visite de ma bouche par caméra. Ils envoient leurs conclusions au Dr Olivier Pillevuit: Il faudra couper une partie de la langue, prendre quelques muscles dans la jambe pour la reconstituer. L’intervention durera 12 heures.

Mon ORL a de la peine à l’admettre. Il téléphone à plusieurs collègues. Il se dit que sans ma langue, je risque d’avoir une fin de vie insupportable. En effet, je n’aime pas du tout m’exprimer en écrivant sur une ardoise. Il propose un autre traitement en ayant peur de se tromper: Un peu de chimiothérapie et des rayons tous les jours pendant trois mois.

Pour se faire, il faut d’abord planter un tuyau dans l’estomac en passant un long instrument depuis la bouche pour le fixer. Cette intervention ne se passe pas très bien. Je passe mon Noël au CHUV avec pas mal de fièvre. Mais ça s’arrange. Pendant 7 mois, je serai donc nourri entre 18h et minuit, tous les soirs, à partir d’une poche de nourriture spécialement inventée par Nestlé. Quelques liquides et soupes par la bouche. Rien d’autre. Les matins, de fin janvier jusqu’à mi-mars, à la Providence, passage dans une machine. Elle envoie ses rayons juste sur la tumeur, pendant un quart d’heure. La barbiche disparaît, puis elle repousse.

C’est en avril et en mai, après la fin du traitement, que je me sens le plus malade. Une longue période sans lecture, sans écriture, des centaines d’heures de sommeil. Ma première sortie le 1er août 2016. Je me sens guéri. Je suis en rémission. Grâce à mon épouse qui m’a soutenu et aidé comme elle l’aurait fait pour un bébé. Lorsque j’ai dit au médecin que ma vie avait été magnifique et qu’il pouvait me laisser aller, Liliane a insisté: «Non, vous faites tout pour me le garder». La médecine est extrêmement performante en ce 21ème siècle. Mais il y a plus: Depuis ma plus tendre enfance, j’ai été soutenu, aidé, protégé, inspiré: 1) Une grande sérénité en entendant le mot cancer. 2) Découverte du cancer assez tôt pour profiter d’un traitement efficace. 3) Un médecin très qualifié et engagé à la guérison de son patient. 4) Une épouse encore amoureuse qui veut que la vie à deux continue après 62 ans. 5) Une machine à la pointe des connaissances installée à Vevey. Toutes ces bénédictions vous poussent à témoigner de la bonté de Dieu pour son humble serviteur. Retraité, je n’ai plus à être utile comme je me suis efforcé de l’être pendant toute ma vie. Pourquoi m’en suis-je sorti? Certainement pour pouvoir rassurer ceux qui affrontent un cancer et surtout pour témoigner de la grande mansuétude de Dieu à l’endroit de ses créatures si peu méritantes.

Quelqu’un échappe à un accident, à une maladie grave, on dit: C’est un miracle. Peut-être. Mais on oublie que tout ce qui nous entoure est miracle. Même si la médecine lui invente des manipulations compliquées, la vie est miracle. Pas par hasard, un spermatozoïde rencontre un ovule et voilà un être vivant, vous, moi. Une graine en terre, voilà une fleur magnifique, une autre, voilà un baobab. La vie est un miracle. On l’oublie. Il y a si longtemps qu’on la voit évoluer sous nos yeux, des yeux incrédules, blasés, aveugles? Crions bien haut notre reconnaissance…

Pierre Aguet

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