Le verre à la main..
Saviez-vous que la «chanson à boire» chère aux typographes recèle une origine quelque peu révolutionnaire?
Dans nombre d’imprimeries, particulièrement dans les entreprises de presse, les ouvriers avaient l’habitude d’entonner le «À la...», autour du marbre de mise en pages. Notamment après le bouclage du journal ou en fin de semaine. Cette coutume remontait loin dans le temps...
C’est en effet en 1791 qu’un député français, nommé Le Chapelier, proposa une loi proscrivant les organisations ouvrières dans les entreprises et la constitution de syndicats, voire de mutuelles. L’adoption de ces prescriptions avait par conséquent exclu des ateliers toute assemblée et réunion. Les typographes se virent donc contraints de s’organiser différemment. Si bien qu’ils se réunissaient, à tour de rôle, chez l’un et chez l’autre. Après discussions et délibérations, le collègue accueillant offrait à boire à ses confrères. Pour le remercier, les participants chantaient le «À la...». Nonobstant ses paroles reconnaissantes à l’égard du maître des lieux, l’hymne s’enroba forcément d’un esprit revendicateur.
Ladite loi liberticide fut abolie en 1884. Toutefois, la chanson survécut, chacun ayant plaisir à l’entonner, un verre bien rempli à la main. Elle reste vivante en Romandie, dans quelques cercles liés au perfectionnement professionnels et, notamment, parmi les retraités de l’industrie graphique.
En ce qui me concerne, j’avais trouvé piquant de voir, à Paris, lors de diverses réunions où l’on m’avait convié, de grands patrons (certains réputés fort réticents – pour ne pas dire plus – à l’égard des organisations ouvrières) chanter à tue-tête ladite chanson, sans se douter qu’elle recèle un lointain esprit revendicateur...
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Roger Chatelain
