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Mémorable friction typographique

Il y a trois quarts de siècle, une dispute avait interpellé le monde helvétique de l'imprimerie. Une algarade musclée! Les deux protagonistes de cet échange épistolaire, relatif au style typographique, ont laissé leur nom dans l'historique de la communication écrite.

Le duel avait en effet mis en relief deux monstres sacrés en devenir: Jan Tschichold (1902-1974) et Max Bill (1908-1994). Lesquels ont une forte attache avec notre pays. Le premier, né à Leipzig, s'était réfugié  à Bâle, après avoir perdu son emploi et avoir été brièvement emprisonné à la montée du nazisme. Le second, né à Winterthour et décédé à Berlin, était non seulement un designer de talent, mais aussi un architecte et un peintre reconnu.

C'est une conférence donnée par Tschichold, à Zurich, en 1945, qui avait été à la source du conflit. Dans un article polémique, Bill critiqua notamment le revirement stylistique de l'Allemand. Il faut préciser que ce dernier, auteur, en 1928, de «La nouvelle typographie», ouvrage révolutionnaire au point de vue de la forme de l'écrit et de la disposition des textes dans la page, s'était par la suite converti au classicisme, promouvant une typographie traditionnelle (mais de haute qualité). Avant-gardiste, le texte de Max Bill, qui ne comportait aucune majuscule, fustigeait ce genre de composition, c'est-à-dire l'arrangement symétrique, aussi bien que l'emploi d'ornements.

«La querelle typographique des modernes», tel est le titre donné, en langue française, à l'ouvrage sur ce sujet rédigé par Hans Rudolf Bosshard. Postfacé par Jost Hochuli, il renferme une relation fouillée, parue en 2014, aux Éditions B42.

Une édition intéressante, qui permet d'entrevoir une facette de la genèse du style suisse international. Ce dernier a déployé ses effets jusqu'à l'aube de l'an deux mille. Et on rappellera que des «Suisses de Paris» – typographes et graphistes alémaniques – ont su magistralement l'imposer dans la capitale française.

Roger Chatelain

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