Trois cent un an après
L’enquête commence par la fin. Le seul responsable de cette « mauvaise action » sera coupé en deux le 24 avril 1723. Or avec un talent d’archiviste passionné, le directeur honoraire des archives cantonales vaudoises Gilbert Coutaz va vider tous les tiroirs des archives les plus diverses et les plus éloignées pour nous expliquer ce que le monde a pensé de cette extravagante aventure.
On lit ce livre comme un polar et il se déroule pourtant sur plus de 300 ans. Je peux bien y revenir. 24 Heures vient d’y consacrer une page le 20 avril 2024.
Nous avons bien affaire au premier patriote vaudois. Le premier qui ait imaginé que ce pays se dirige lui-même et qu’il devienne un canton suisse. Il n’a pas proposé que les citoyens, dans leur ensemble, assument cette direction, il restait de l’ancien régime. Il a établi une liste importante des mauvaises pratiques de LLEE. Von Steiger, n’a pas hésité à affirmer que lorsque ceux qui détiennent le pouvoir l’exercent mal, ils donnent à leurs sujets les bonnes raisons de reprendre leurs libertés.
Gilbert Coutaz nous promène à travers tout ce qui a été écrit sur le major. Pour les 19 et 20ème siècles cela est relativement facile. Mais, pour le 18ème, à une époque où LLEE ne voulaient pas qu’on fasse allusion à cette histoire et où les gens de Lavaux disaient d’un traître que c’était un Davel, il faut avoir un sacré flair pour nous sortir toute une série de documents où ceux qui en parlaient étaient beaucoup plus admiratifs que l’on ne peut l’imaginer. S’ajoute l’étonnante attitude des « révolutionnaires » du tournant du siècle. Ils évitaient de parler de ce « Héros » pour que leurs nouveaux alliés dans la construction de la Suisse moderne, les Bernois, ne se sentent vexés.
Tous ont admis que le major avait agit seul, appelé par une voix divine. Il ne voulait pas que coule le sang. Il a pris le risque de n’avoir à donner que le sien. Seul, Michel Thévoz, a été à contre-courant par une démonstration assez brillante. Ce qui m’étonne, à la sortie de toute cette recherche, c’est que l’on ait, dès l’époque moderne, désigné Davel comme un modèle de Vaudois, officier dans l’armée de la République, notaire, fils de pasteur, mais jamais évoqué que ce modèle de Vaudois est petit-fils d’un maçon italien…S’ils sont nombreux, ces descendants d’Italiens à être des modèles de Vaudois ou Vaudoises, il convient de se souvenir ici des difficultés qui leur sont faites par nos lois pour accéder à notre citoyenneté. Lisez ce livre. Vous passerez un bien agréable moment à vivre 300 ans d’histoire vaudoise.
Titre : LE MAJOR DAVEL, naissance du premier patriote vaudois. Ed. Château et Attinger
Pierre Aguet
